Réflexion sur le concept d'efficacité énergétique, en réponse à une question de Catherine St-Pierre

Réflexion sur le concept d'efficacité énergétique, en réponse à une question de Catherine St-Pierre

par Daniel Rousse,
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Bonjour Daniel

Bonjour Catherine

C’est en quelque sorte un buzzword souvent entendu dans les médias et qui est important de comprendre en tant que future travailleuse en énergie. Il y a du BUZZ en effet autour de cela. Lorsque l’on affirme qu’un moteur EcoBoost de tel camion qui fait 6.2L est « efficace énergétiquement », ça me fait sourciller.

Dans le cours, on mets l’emphase sur réduire la consommation. Oui, DE TRÈS LOIN la seule avenue durable. C’est celle qui fait mal car elle nous privera fatalement d’un niveau de confort, de souplesse, de liberté que la puissance illimitée nous avait conféré. Tout le reste n’est que futilité si l’on ne réalise pas que l’on ne peut PAS remplacer le trio fossile sans qu’il y ait diminution de consommation. Cette diminution constitue de la SOBRIÉTÉ énergétique qui est de loin plus importante (et complexe) à implanter que de l’EFFICACITÉ énergétique.

 « La sobriété énergétique consiste en un ensemble d’actions visant à faire décroître voire faire disparaître des usages, des valeurs, des systèmes, des comportements, des organisations, au bénéfice d'autres nécessitant moins d'énergie pour satisfaire leurs besoins. Elle diffère de l'efficacité énergétique qui, elle, fait appel exclusivement à des techniques qui, lorsqu'elles sont mises en œuvre, permettent de réduire les consommations en énergie à l'échelle d'un système donné (véhicule, bâtiment, territoire, etc.).  La sobriété réévalue donc les usages et les besoins en énergie, mais aussi les imaginaires, la culture de l’énergie d’une société et ses formes d’organisation collectives et individuelles.»  Mathieu Le Dû, Groupe t3e, 2012.

Je suis d’avis que c’est l’élément fondamentale d’une gestion responsable de nos ressources. OUI, d’accord avec votre analyse. Si vous parlez de réduction de consommation, de sobriété. Pour l’EE, c’est un peu différent.

Cependant, il semble que la définition de ce concept est plus général. EE? Ou SE?

Mes recherches me disent qu’elle ne fait pas l’unanimité.  Transition Énergie (et anciennement Québec) semble le définir comme le rapport entre  l’effet produit et l’énergie utilisée : « Elle est améliorée lorsque, pour produire un même bien ou rendre un même service, moins d’énergie est utilisée. » (Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétique 2018-2023, p.38).

C’est l’un des aspects de l’EE. La première partie de la phrase suivante. On obtient plus de service pour la même énergie dépensée OU on consomme moins d’énergie pour obtenir le même service. Les deux impliquent de l’efficacité énergétique. Dans le premier cas, on fera des voitures de 300 HP qui consomment comme les moteurs des années 70 et 80 qui faisaient 100- 150HP. Dans le second cas, on ferait des voitures de 50-100 HP qui consommeraient 3 L/100km. Et ce serait une nette amélioration.

Mais au-delà de cette considération, a-t-on besoin que chaque SAPIENS possède une voiture personnelle, qu’il ait à sa disposition 2000 kg de ferraille et plastique qu’il utilise environ 200 à 400 heures par an (facteur d’utilisation de 200/8760 voire 400/8760 dans le meilleur des cas)?

Pourquoi améliorer l’efficacité d’une chose inutile si elle contribue avec réduction de 15 voire 20% de moins à la destruction de l’environnement? C’est cet aspect de l’efficacité énergétique qui est discutable.  On améliore la consommation de jet fuel des avions, certes. Mais tous ces déplacements en avion sont-ils requis? En efficacité énergétique, nous pouvons par exemple réduire de 2-5% les émissions de GES imputables à l’emploi d’un procédé, d’un appareil, d’un système. En sobriété énergétique, nous pouvons remettre en question l’usage d’un procédé, d’un appareil, d’un système. Si au terme de l’analyse, on coupe, le gain est de 100% pas 2 ou 5%.  

 

Et il faut se poser ces questions. Maintenant, aujourd’hui. Nous sommes 8 milliards de personnes qui consommons environ 14 GTep/an (Milliard de tonnes équivalent pétrole). Si demain, l’Asie consommait au niveau de l’OCDE, on consommerait 28 GTep/an (imaginez si chaque humain consommait comme un canadien!). Et si on ne fait rien, lorsque la population sera de 16 milliards, on consommerait 56 GTep/an. Croire qu’en améliorant l’efficacité énergétique on peut faire une GRANDE différence est utopique. C’est utile, nécessaire et insuffisant. Le remède va faire plus mal que ça.

Le numérateur est l’effet bénéfique produit, le dénominateur est l’énergie requise, ce que ça me coûte. Réduire la dénominateur augmente le rapport. Oui, on a plus d’effet produit par unité d’énergie dépensée. Je ne souscris pas à cette vision sous forme de rapport.

La définition de VoirVert est à mon avis plus englobant et me plait davantage. Il le définit comme l’utilisation judicieuse et rationnelle de l’énergie et comprend trois volets : économies d’énergies (réduire la consommation), gestion de la consommation (ex : délestage) et utilisation de l’énergie (ex : mieux de prendre du biomasse en région éloigné que de le raccorder aux réseaux électriques).  Ce n’est pas une définition, ce sont des aspects à considérer. Mais réduire la consommation peut se faire par SOBRIÉTÉ ou par efficacité.

De vos expériences, est-ce que la définition de VoirVert correspond mieux au concept?

Je reviens au départ.

L’efficacité énergétique consiste à augmenter le niveau de service obtenu d’un procédé, d’un appareil, d’un système pour la même quantité d’énergie requise pour le faire fonctionner. L’efficacité énergétique consiste à maintenir le niveau de services obtenu d’un procédé, d’un appareil, d’un système en réduisant la quantité d’énergie requise pour le faire fonctionner.

Le service rendu peut être tout simplement une conversion de la source d’énergie, par exemple obtenir de l’électricité à partir d’un source thermique. Ce service peut être une conversion mécanique ou chimique, etc..

L’agence internationale de l’énergie affirme : « L'efficacité énergétique est au cœur de toutes les transitions énergétiques mondiales. C'est la ressource énergétique la plus disponible, la plus sûre et la plus accessible au monde ». Je suis en accord avec cette importance . Elle s’intercale donc entre la sobriété énergétique et les technologies de production. Et il y a tant à faire qu’avant de penser produire avec de nouvelles sources, il faudrait faire davantage avec celles dont nous disposons. L'impact environnemental de l'efficacité énergétique est moindre à gains comparables que l'implantation de toute forme d'EnR vue dans ce cours.

En espérant le tout à la hauteur de vos attentes. Commentaires et opinions bienvenus!